La loi 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme prévoit une servitude de passage – au profit du public – d’une largeur de 3 m sur les propriétés privées en bord de mer. La loi, non seulement restreint le droit de propriété immobilière mais elle peut, considèrent certains, occasionner des troubles (bien-être et intimité des propriétaires). D’autres, à l’inverse, revendiquent l’intérêt général du passage en bord de mer pour le public, des promeneurs et/ou randonneurs.
A Saint-Briac-sur-Mer (Bretagne), sur la Côte d’Emeraude, des propriétaires de villas tentent depuis 36 ans de s’opposer à cette obligation et multiplient les procédures judiciaires. A la vitesse de la justice française, c’est du pain béni…
Réglementation: La loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme complétée par la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (dite Loi Littoral) a institué la servitude de passage pour piétons le long du littoral (SPPL). Elle est codifiée sous les articles L 121-31 à L 121- 37 du code de l’urbanisme.
Décrets d’application n°77-753 du 7 juillet 1977, complété par les décrets n°90-481 du 12 juin 1990, n° 93-726 du 29 mars 1993, n° 2010-1291 du 28 octobre 2010 et n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, codifiés sous les articles L 121-31 à 37 et R 121-9 à 32 du code de l’urbanisme.
Note: La loi a institué, sur les domaines public et privé, une servitude longitudinale de passage de 3 mètres de large, à compter de la limite de la mer. Cette loi a été renforcée par la loi Littoral de 1986, en imposant une servitude transversale d’accès à la mer, au moins tous les 500 mètres.
D’un côté, une quinzaine de propriétaires ainsi que des descendants de la célèbre famille Forbes, dont l’ancien ministre de l’environnement Brice Lalonde et son cousin, ancien secrétaire d’État américain, John Kerry, héritier du Manoir des Essarts, construit dans les années 20 à la demande de leur grand-père James Grant Forbes, un riche homme d’affaires américain.**
Au sein des « contestataires » , on trouve aussi un président de chambre de la Cour des Comptes et un héritier d’une entreprise de transports routiers.
De l’autre, l’Etat – représenté par la Direction dép. des Territoires et de la Mer – qui entend faire respecter la loi, et Patrice Petitjean, président de l’association des Amis des chemins de ronde d’Ille-et-Vilaine (ACR35).
Projet de servitude, chemin du Littoral à St-Briac-sur-Mer
Historique:
En 1982, le Préfet signe un arrêté afin de permettre le passage et donc le cheminement le long du littoral, tout obstacle étant proscrit.
En 1988, le Conseil d’Etat annule cet arrêté pour vice de forme.
Entre 1995 et 2008, Brice Lalonde est Maire de St-Briac-sur-Mer.
A partir de 2008, le nouveau Maire, Auguste Senghor (maire de 2008 à 14), relance le dossier du chemin du Littoral.
En 2014, un nouveau Maire est élu, Vincent Denby Wilkes.
En 2015, un nouvel arrêté préfectoral est pris – 33 ans après le premier (David Harel est le directeur adjoint à la mer et au littoral à la préfecture). L’arrêté est immédiatement attaqué devant le Tribunal administratif par les propriétaires, dont les descendants Forbes.
En 2017, le Tribunal administratif de Rennes annule une partie de l’arrêté, là encore pour vice de forme! La Cour d’Appel a été saisie. Mais pendant ce temps, l’Etat a décidé de faire les travaux sur la partie autorisée par le Tribunal.
En décembre 2018, pour le compte de l’héritier de l’entreprise de transports routiers, l’avocat Me François Pinatel plaide en référé. La raison? Le chemin en cours de travaux passerait à un mètre de sa piscine.
Au surplus, Me Pinatel met en avant la dangerosité du cheminement à flanc de falaise.
Lorsque le dossier est ressorti dans les médias, Brice Lalonde a indiqué qu’il ne s’était jamais opposé au sentier du littoral. Ses opposants indiquent qu’il n’a pas fait grand chose non plus, lorsqu’il fut maire, pour faire avancer le dossier. A cet avis, il oppose son souci de la sécurité de l’ancien secrétaire d’Etat américain, et donc du risque terroriste. Il considère aussi que le sentier au ras des propriétés ruinera leur intimité et ne pourra donc être considéré que comme une confiscation.
Malgré les recours, l’Etat pense pouvoir arriver à ses fins dans le courant de l’année 2019. (Avec AFP)
Ph. B-L
**A l’origine James Grant Forbes, avocat international et banquier. Qui épouse Margaret. Ils auront 11 enfants parmi lesquels deux soeurs qui sont les mères de Brice Lalonde et John Kerry, cousins germains. John Kerry étudia en Suisse et passait ses vacances d’été à St-Briac, au Manoir des Essarts. Un manoir qui fut bombardé car il était le quartier général nazi et fut ensuite détruit par les Allemands durant la seconde guerre mondiale, avant d’être reconstruit en 1953.
Brice Lalonde (Parti écologiste) fut candidat à l’élection présidentielle française de 1981 tandis que John Kerry fut candidat démocrate à celle des Etats-Unis en 2004.
Lereporter
9 janvier 2019 at 16h22Intéressante bataille judiciaire entre une loi instituant un passage et en même temps portant atteinte au droit inaliénable de propriété.